Le ressenti de la mission et l’avenir des Hadza
J’étais parti en Tanzanie dans l’espoir d’accompagner, à travers l’ONG Tumbili, un projet de développement touristique communautaire, en particulier avec des communautés du bush. Cependant, une incompréhension s’est installée avec Tumbili, qui m’a bien fait rencontrer des projets culturels, des communautés Masaï et Hadza auprès desquelles elle achète, à travers son partenaire l’agence de voyages tanzanienne Osiwoo, des prestations de service. Si Tumbili vérifie bien que ces prestataires ont une démarche éthique, par contre elle n’accompagne pas les projets de développement de ces communautés.
Le point d’orgue de la mission était la rencontre avec la tribu des Hadza. Même si, pour des raisons climatiques, cette rencontre fut brève, le fait d’être accompagné par Marion Longo, qui avait vécu avec eux en tant qu’étudiante en Master d’anthropologie, a permis à cette rencontre d’être intense et très intéressante quant à l’évolution du mode de vie de ces chasseurs-cueilleurs du Lac Eyasi.
Après de nombreuses discussions avec, entre autres, Marion, le Père missionnaire Pedro et bien d’autres acteurs du bush qui les côtoient depuis de très nombreuses années, et après avoir lu le livre d’Alexandre Kauffmann « Black Museum », je suis revenu avec la conviction que l’accueil des touristes par ces communautés n’a pas été le déclencheur de l’évolution de leur mode de vie
Alexandre Kauffmann, qui a vécu de nombreuses semaines avec des Hadza hors des sentiers battus par les touristes, a constaté qu’ils avaient, pour certains d’entre eux, déjà « visité » Arusha (plus d’un million d’habitants), qu’ils pouvaient dans certains cas aller se faire soigner au dispensaire, que certains jeunes avaient suivi une scolarité mais étaient revenus vivre dans leur environnement naturel, qu’ils étaient en communication avec l’extérieur grâce à des téléphones mobiles et consommaient de l’alcool et de la marijuana.
La question est de savoir si les Hadza, peuple que l’on dit être à l’origine de notre ère humaine (environ 40.000 ans) existeront encore dans les vingt prochaines années ?
Pourquoi cette communauté qui s’adapte si bien à notre civilisation - soi-disant moderne - serait-elle appelée à disparaître?
Les chasseurs-cueilleurs du lac Eyasi rassemblent environ mille personnes, et ce nombre (d’après plusieurs sources d’information) n’a pas changé depuis le début du XXème siècle. Il est même probable qu’il ait connu une légère progression au cours des dernières années.
Si les Hadza ne sont que mille, ils sont démunis, et si leurs terrains de chasse s’amenuisent d’une année sur l’autre, ils ne continuent pas moins à se distinguer des autres peuples, parlant une langue singulière, refusant toute accumulation de biens, toute hiérarchie et toute religion. Même le père Pedro n’a pas réussi à les convertir.
Il y a fort à parier que dans 20 ans, les Hadza auront, bien sûr, accédé aux moyens de communication et de transport modernes mais que leur mode de vie restera sensiblement identique si l’on sait préserver leur territoire de chasse. L’instinct de chasseur de l’homme du Lac Eyasi ne disparaîtra jamais totalement.
Rapport de la mission réalisée par Marc DUMOULIN en étroite relation avec l'association Tumbili